La famille Trémeau a accueilli Zsigmond de Hongrie via l’association locale AFS Île-de-France. Zsigmond a été scolarisé au lycée Fustel de Coulanges de Massy, ville où il a vécu pendant une année scolaire en immersion en France. Sabine nous raconte leur expérience en tant que mère d’accueil.

Comment avez-vous choisi votre accueilli et comment se sont passés les premiers moments de votre expérience d’accueil ?
Concernant le choix de l’accueilli, nous avons été accompagné par l’association locale AFS Île-de-France. Une bénévole a fait une première sélection de dossiers puis nous avons essayé de trouver un jeune qui avait des points communs avec chaque membre de notre famille.

Les premiers moments se sont très bien passés, et cela pendant quatre mois environ. J’étais très disponible pour lui. Avec du recul, j’étais peut-être trop attentionnée, tout en ne m’en rendant pas compte. Zsigmond était très demandeur de temps et d’attentions.

Qu’avez-vous appris de la culture de votre accueilli et comment lui avez-vous transmis votre propre culture ?
Nous avons appris de sa culture quelques recettes délicieuses. De prime abord, nous avons aussi découvert une culture peu ouverte à la différence, un pays politiquement fermé, avec le poids d’une religion fortement ancrée, particulièrement pour lui. Nous avons essayé de lui montrer que les différences permettent d’enrichir le monde ! Nous lui avons fait visiter quelques régions, fait manger des plats typiques… J’ai essayé de lui apprendre le respect du travail de chacun et donc l’attention à l’autre.

Dans quelle classe votre accueilli a-t-il été scolarisé ?
Zsigmond était en Première S. Lorsque nous avions lu sa présentation, nous avions noté qu’il aimait beaucoup les sciences. Il était donc important pour moi de l’inscrire en section scientifique. Dans le souci de bien faire, je lui avais demandé confirmation : préférait-il un lycée proche dans n’importe quelle section ou un lycée plus loin de la maison et être en S. Au final, cela s’est très bien décanté puisqu’il était proche de la maison et en série S !

Il parlait très bien français après deux années d’apprentissage en Hongrie. Dès le début, il voulait faire comme les autres élèves de sa classe. Il était bon élève et sérieux. Pour nous, il était aussi important qu’il fasse comme les autres élèves, qu’il prenne des notes, suive les cours, passe les contrôles… Cela devait être pour nous un élève comme un autre, afin qu’il vive une véritable expérience en immersion.

Comment votre accueilli a-t-il vécu la scolarité “à la française” ?
Je me souviens que pour le TPE, il était dans un groupe avec deux autres élèves qui n’étaient pas très énergiques. L’une ne parlait pas, ne donnait jamais son avis… Et l’autre a changé le sujet au bout de trois semaines de travail. Or le nouveau sujet n’intéressait pas Zsigmond. Par conséquent, il a travaillé le TPE sans trop de motivation. Il cherchait des renseignements sur des sites hongrois et les traduisait. Étant étranger, il ne voulait pas non plus prendre le rôle de « chef » du groupe et imposer son avis.

De notre côté, nous étions prêts à l’aider. J’ai par exemple relu ses écrits pour travailler avec lui sa pratique du français. J’essayais de le pousser et de le motiver pour que cela soit plus développé mais cela a parfois été compliqué. Il n’était pas content du travail rendu. Je me souviens que deux jours avant son oral, il avait passé un pré-oral avec son groupe devant leurs professeurs. Ce fut une catastrophe ! Alors ils l’ont retravaillé pour l’améliorer, et cela s’est finalement bien passé. Son professeur avait fait remonter les problèmes rencontrés par le groupe : un étranger, une jeune demoiselle très effacée… Résultat, Zsigmond a obtenu la note de 17/20.

En Première, c’est aussi l’année du bac de français. Zsigmond a-t-il également passé les épreuves anticipées comme n’importe quel élève de sa classe ?
En ce qui concerne le bac de français, les débuts furent difficiles, même si Zsigmond avait de bonnes bases en culture française… Les textes étaient très subjectifs, avec beaucoup d’images. On essayait de les lui expliquer avec nos mots, chaque phrase était à traduire autrement. Vers Noël, son français à l’écrit s’était déjà bien amélioré. Il y a eu comme un énorme pas de fait, une étape de franchie dans sa maîtrise de notre langue.

Je pense qu’il écoutait bien les cours. Puis il a travaillé ses textes en fin d’année en se faisant un programme de révision qu’il n’a pas toujours tenu, car il y avait des invitations variées qui le motivaient. Il faut bien avouer que ce n’est pas évident de devoir travailler son bac de français et de prendre du temps pour profiter de ses amis avant de repartir dans son pays natal ! Il m’a récité certains textes, et il les a sans doute tous travaillés car c’était un bon élève, très consciencieux. Au final, ses efforts ont été récompensés puisqu’il a obtenu 12/20 à l’écrit et 15/20 à l’oral.

 

Avez-vous quelques anecdotes à propos de la vie quotidienne de votre accueilli en famille ?
Même si Zsigmond parlait déjà très bien français à son arrivée, nous l’avons quand même aidé au début pour comprendre les cours, et particulièrement ceux de français. L’étude de textes étant déjà difficilement compréhensible pour un Français lambda..! Après avoir visionné en classe Les temps modernes de Chaplin, il avait fait un petit résumé où il avait notamment écrit cette expression : « les prolétaires assujettis à leur travail”. Cela a nécessité une traduction à destination de ses camarades pendant le cours ! Je me souviens aussi que comme nous sommes une famille assez manuelle et pratique, ce n’était pas toujours facile de lui faire tenir un tournevis.

Quelles ont été les principales difficultés auxquelles vous avez été confrontés au sein de cette expérience d’accueil ?
Les principales difficultés que nous avons pu rencontrer ont été liées à nos différences culturelles, qui étaient parfois difficilement compatibles et rendaient la communication complexe. Nous avons par exemple eu de très nombreuses, longues et intéressantes discussions où nous échangions avec Zsigmond pour comprendre ses difficultés et expliquer notre manière de vivre et nos règles. Mais bien souvent, ces discussions nous ont paru au final peu productives. Comme si, dès le lendemain, elles ne semblaient pas avoir eu lieu.

Est-ce que l’accueil a changé quelque chose dans votre vie de famille ? Qu’est-ce que cela vous a apporté personnellement ?
Oui, le fait d’avoir accueilli Zsigmond pendant une année scolaire a changé quelque chose dans notre vie. Cela nous a amené à réfléchir sur beaucoup de questionnements à propos de notre façon de vivre, de la notion d’accueil, d’accepter l’autre tel qu’il est ou d’essayer de le faire évoluer. Personnellement, cela m’a apporté une grande introspection, sur comment suis-je capable d’accueillir celui qui est différent de moi.

Je suis d’ailleurs curieuse de savoir ce qui peut intéresser dans mon témoignage. Notre expérience a révélé qu’accueillir n’est pas une chose facile, et je ne sais pas si notre témoignage peut motiver des gens à accueillir à leur tour. Honnêtement, l’année n’a pas toujours été facile pour nous comme pour lui. Elle s’est très bien passée les quatre à cinq premiers mois, mais cela a parfois été plus compliqué ensuite. C’est un grand chamboulement à la fois pour la famille et le jeune, en pleine période d’adolescence. C’est une aventure humaine extraordinaire, dans ses bons et ses mauvais côtés. Quoiqu’il en soit, si nous témoignons de notre année passée avec Zsigmond aujourd’hui, c’est que nous ne regrettons pas d’avoir vécu cette dense expérience de l’accueil. Je pense que tout le monde a beaucoup appris : Zsigmond bien sûr, mais aussi nous en tant que famille.